POLITIQUE | Denis Mukwege dénonce 3 ans d’occupation de Bunagana par le M23 et le Rwanda : “Une crise multidimensionnelle qui menace la paix internationale”

Le Prix Nobel de la Paix accuse Kigali et Kinshasa d’avoir échoué à protéger la souveraineté et les droits humains, tout en fustigeant l’inaction de la communauté internationale.
Trois ans après le début de l’occupation de Bunagana, cité stratégique du Nord-Kivu, par les rebelles du M23 soutenus par le Rwanda, le Dr Denis Mukwege, Prix Nobel de la Paix 2018, a publié une déclaration cinglante dénonçant l’échec collectif à résoudre cette crise. Dans un communiqué en trois parties, le célèbre gynécologue et militant des droits humains pointe du doigt les responsabilités du Rwanda, du gouvernement congolais, et de la communauté internationale, tout en appelant à une justice transitionnelle pour briser le cycle de la violence.
Mukwege rappelle que depuis le 13 juin 2022, Bunagana et de larges portions des provinces du Nord et Sud-Kivu sont sous contrôle du M23, groupe armé soutenu par Kigali. Il dénonce une “violation flagrante de la souveraineté congolaise” et une “exploitation systématique des minerais stratégiques” par le Rwanda, en toute impunité. “Le régime de Kigali méprise la Charte des Nations Unies pour imposer ses ambitions expansionnistes”, accuse-t-il, soulignant que cette occupation s’accompagne de graves violations des droits humains et de l’installation d’”administrations parallèles illégales”.
Le Nobel de la Paix critique sévèrement le gouvernement congolais pour son “manque de volonté politique” à réformer le secteur de la sécurité et à assainir les institutions. Il déplore une “gouvernance sécuritaire dangereuse”, marquée par des partenariats militaires erratiques avec des groupes armés non étatiques, aggravant la militarisation de la région. “Les autorités congolaises portent une lourde responsabilité dans la dégradation humanitaire et sécuritaire”, affirme-t-il.
Mukwege fustige l’”indifférence complice” des États et institutions internationales, dont les réactions se limitent à des “condamnations superficielles” et des “mesures timides”. Malgré l’adoption de la résolution 2773 du Conseil de Sécurité de l’ONU en février 2025, exigeant un cessez-le-feu et un retrait des forces étrangères, la crise persiste. “La diplomatie a échoué à faire taire les armes”, constate-t-il, appelant à des sanctions économiques et politiques contre le Rwanda, “pays dépendant de l’aide étrangère et donc vulnérable aux pressions”.
En solidarité avec les populations occupées, Mukwege exhorte Kinshasa et les acteurs internationaux à ne pas “sacrifier la justice dans les négociations”. Pour lui, seules des réparations et une justice transitionnelle pourront “briser le cycle de l’impunité” et prévenir de nouveaux conflits dans la région des Grands Lacs. “Après 30 ans de guerre, il est temps de tirer les leçons du passé”, conclut-il.
Cette déclaration intervient dans un contexte d’escalade militaire et de tensions régionales, alors que le M23 a lancé une offensive majeure début 2025. Le ton sans concession de Mukwege vise à réveiller les consciences face à une crise qui dépasse les frontières congolaises et menace la stabilité de l’Afrique centrale.
Josué KEFEBE