JUSTICE | Condamnation de Matata Ponyo – Tensions à l’Assemblée et flou juridique sur son incarcération

La condamnation de l’ancien Premier ministre Augustin Matata Ponyo à dix ans de travaux forcés pour détournement de fonds publics dans l’affaire du parc agro-industriel Bukanga-Lonzo continue de faire des vagues. Alors que la Cour constitutionnelle a rendu son verdict, son application immédiate semble compromise, selon un juriste du pouvoir, tandis que l’Assemblée nationale a connu des moments de forte tension lors de la plénière de ce mercredi.
Un verdict qui divise : Matata Ponyo échapperait-il à la prison ?
Me Kabengela, un juriste influent du parti au pouvoir, a déclaré que malgré la condamnation, Matata Ponyo ne serait pas immédiatement incarcéré. Selon lui, la Cour constitutionnelle aurait violé l’article 6 bis du Code pénal si elle avait ordonné son arrestation, car la peine de travaux forcés ne peut être assimilée à de servitude pénale sans un texte réglementaire précis.
« L’exécution des travaux forcés nécessite un acte définissant les modalités pratiques, notamment le lieu de leur application. Or, ce texte n’existe toujours pas. Matata est condamné, mais il n’y aura pas de mandat d’arrêt », a-t-il affirmé.
Cette interprétation suscite des interrogations : s’agit-il d’une stricte application du droit ou d’une manœuvre pour éviter l’emprisonnement d’une figure politique majeure ?
Vifs débats à l’Assemblée nationale, Kamerhe appelle au calme.
La condamnation de Matata Ponyo, actuel député national et président du parti d’opposition Leadership et gouvernance pour le développement (LGD), a provoqué des remous à l’Assemblée. Lors de la plénière du mercredi 21 mai, des députés ont exprimé leur colère, certains dénonçant une justice sélective.
Face à l’agitation, le président de l’Assemblée, Vital Kamerhe, a temporisé, rappelant que l’institution n’avait pas encore été officiellement notifiée de l’arrêt. « Je n’ai pas l’intention d’ouvrir le débat maintenant. La Cour constitutionnelle a statué, mais nous devons attendre d’être saisis pour réagir dans le cadre de nos attributions », a-t-il déclaré, appelant ses collègues à éviter « toute inconstitutionnalité ».
Un procès aux relents politiques ?
Matata Ponyo, Premier ministre de 2012 à 2016 sous Joseph Kabila, est aujourd’hui un opposant au régime Tshisekedi. Son procès, portant sur un projet controversé (Bukanga-Lonzo, souvent qualifié de « éléphant blanc »), est perçu par ses soutiens comme une instrumentalisation judiciaire.
Si la condamnation est confirmée, son application effective reste incertaine. L’absence de cadre légal pour les travaux forcés pourrait retarder indéfiniment son exécution, alimentant les critiques sur une justice à géométrie variable.
Et maintenant ?
La balle est désormais dans le camp du gouvernement : publiera-t-il le décret d’application des travaux forcés, permettant l’incarcération de Matata Ponyo ? Ou cette condamnation restera-t-elle symbolique, renforçant les suspicions d’une justice politisée ?
En attendant, l’ancien chef du gouvernement conserve sa liberté, tandis que l’opposition et la société civile scrutent les prochaines étapes. Une affaire qui révèle, une fois de plus, les tensions entre justice, politique et état de droit en RDC.
Josué KEFEBE